GOLIATH
- Marvin Ancian
- 9 mars 2022
- 3 min de lecture

Réalisateur. Frédéric Tellier
Année de sortie. 2021
Genre. Thriller
Origine. France
Durée. 122 minutes
Ma note. 16/20
Synopsis : France, professeure de sport le jour, ouvrière la nuit, milite activement contre l’usage des pesticides. Patrick, obscur et solitaire avocat parisien, est spécialiste en droit environnemental. Mathias, lobbyiste brillant et homme pressé, défend les intérêts d’un géant de l’agrochimie. Suite à l’acte radical d’une anonyme, ces trois destins, qui n’auraient jamais dû se croiser, vont se bousculer, s’entrechoquer et s’embraser. (source : Allociné)
Dark Waters, Rouge, ou plus anciennement Erin Brockovich, les films sur des scandales sanitaires sont légion. S’emparant d’un sujet similaire, Frédéric Tellier offre un triple point de vue convaincant.
Frédéric Tellier aime utiliser le réel comme point de départ de ses longs métrages. En 2014, il évoquait la traque du tueur en série Guy Georges avec le très réussi L’Affaire SK1. Quatre ans plus tard, dans Sauver ou périr (déjà avec Pierre Niney), il s’inspirait de plusieurs faits véridiques pour tracer le destin brisé d’un sapeur-pompier de Paris. C’est donc sans surprise que Goliath aborde le scandale sanitaire lié à la commercialisation de la tétrazine, un herbicide faisant fortement penser au glyphosate, qui a défrayé la chronique il y a quelques années.
Le film s’axe autour de trois protagonistes représentant trois strates actives dans l’affaire qui se joue. Patrick (Gilles Lellouche), un avocat au passé houleux, défend la famille de Margot, une agricultrice récemment décédée d’un cancer, vraisemblablement dû aux substances qu’elle répandait sur ses terres. France (Emmanuelle Bercot) est une professeure de sport le jour et ouvrière la nuit, mais également militante anti-pesticides. Enfin Mathias (Pierre Niney), un lobbyiste aussi brillant que sans vergogne, travaille pour Phytosanis - une entreprise d’agrochimie (pendant fictionnel de Monsanto) - et est prêt à utiliser les méthodes les plus viles pour arriver à ses fins. Les parcours de ces trois personnages vont inévitablement s’entremêler à la suite du suicide de Lucie, la compagne de Margot, alors que le renouvellement de l’autorisation d’utiliser la tétrazine entre dans le débat public.
Patrick, France et Mathias. © Christine Tamalet et Caroline Dubois
Chacun sa route, chacun son combat...
Le premier atout de Goliath est de parvenir, malgré la complexité de son sujet et la diversité de ses points de vue, à offrir un récit accessible. À l’instar de ses films précédents, Frédéric Tellier a effectué des recherches précises et détaillées sur les thèmes abordés. Deux ans d’écriture pour aboutir à une œuvre riche et limpide. À un tel point qu’on pourrait lui reprocher de manquer de nuances quant à la caractérisation de ces personnages - en particulier celui de Mathias, univoque dans ses états d’âme. Néanmoins, ces trois destins, tous parfaitement incarnés, trouvent ensemble un point d’équilibre, tout en évoluant chacun de leur côté. France se radicalise et rejoint un groupe prônant la désobéissance civile. Patrick décide de mener son combat jusqu’au bout, quitte à mettre sa vie et celle de ses proches en danger. Mathias, fidèle à lui-même, s’enfonce dans son cynisme et ne se refuse plus aucun coup bas. Le bras de fer déséquilibré qui s’engage fait étalage des moyens que chaque partie possède: corruption financière et menaces, pouvoir des médias qui s’emparent de l’affaire et la dévoilent au grand jour ou encore manifestations et actes de rébellion.
De manière frontale, Goliath met en exergue le rapport de force entre les puissants qui décident en fonction de leurs intérêts et la société qui subit les conséquences de ces décisions. Si le film ne stipule pas si David, cette fois-ci, l’emportera, et si les paroles de France qui concluent le film laissent espérer «un autre monde possible, plus honnête et plus humain», le constat que dresse Frédéric Tellier (en intégrant d’ailleurs la pandémie du Covid à son film) est âpre, sans concession et, malheureusement, réaliste.

© Christine Tamalet
Article paru le 9 mars 2022 dans le n°874 de Ciné-Feuilles.
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