top of page

LA RÉALITÉ DÉPASSE LA FICTION (Édito)


Conflits en tout genre, dégénérés qui s’installent au pouvoir, montée alarmante de l’extrême droite en Europe, on en passe et des pires… Le scénario mondial qui se déroule sous nos yeux s’apparente à la plus terrible des dystopies. De son côté, le cinéma ne cesse de raconter des histoires auxquelles on aurait de la peine à croire si elles ne s’inspiraient pas du réel.


Dans son documentaire L’Homme aux mille visages, Sonia Kronlund enquête sur un individu aux identités multiples. Qu’il se fasse nommer Alexandre, Ricardo ou Daniel, qu’il soit chirurgien, ingénieur ou photographe, cet imposteur hors pair n’a rien à envier aux personnages les plus osés issus de la fiction. La réalisatrice, et productrice du podcast Les Pieds sur terre diffusé sur France Culture (dont un épisode a inspiré le film), a fait le choix d’un casting composé d’actrices (certaines professionnelles, d’autres non) et de vraies témoins pour incarner les victimes. Une volonté de brouiller les pistes pour protéger ces femmes qui prennent des risques, mais aussi pour questionner le vrai du faux et, à son tour, jouer avec le réel et la notion de vérité.


S’il y a une œuvre récente imprégnée du réel, c’est bien Les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof. Présenté - et récompensé d’un Prix spécial imaginé pour l’occasion - au dernier Festival de Cannes, le film est politique et puissant. S’inspirant du mouvement de révolte «Femme, vie, liberté» qui a fait suite à la mort de Mahsa Amini en Iran, le long métrage mêle à son récit de fiction des images d’actualité que nulle création ne pourrait égaler. À cela s’ajoute le parcours du cinéaste qui, pour échapper à la prison (et aux coups de fouet), n’a eu d’autre choix que de fuir son pays en traversant les montagnes à pied pour rejoindre l’Allemagne, puis le sud de la France afin d’être présent à la première de son film sur la Croisette…


Dans un tout autre registre, nous pourrions encore évoquer Maria de Jessica Palud retraçant le destin tragique de l’actrice Maria Schneider. Ou The Bikeriders, également abordé dans ce numéro, qui entremêle réalité et fiction. À partir d’un livre photo et d’enregistrements, Jeff Nichols crée sa dramaturgie et son propre récit pour les lier au réel, tout en témoignant des changements majeurs des États-Unis des années 1960.


Ces changements de notre société n’ont cependant pas besoin d’attendre 60 ans pour imprégner le 7e art. Le réel infuse la fiction continuellement, et la dépasse régulièrement. Alors que, sur l’échiquier de la planète, se jouent parmi les plus grands défis environnementaux, sociaux et économiques de notre époque, pouvons-nous encore espérer un happy end? Telle est la question.


Édito paru le 19 juin 2024 dans le n°924 de Ciné-Feuilles.

Comments


© Marvin Ancian 2020-2023. All rights reserved

|

Lausanne, Suisse ancian.m(at)gmail.com

bottom of page